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Essays in Radical Empiricism Part 10

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[106] [Written _apropos_ of the appearance of three articles in _Mind_, N. S., vol. XIV, No. 53, January, 1905: "'Absolute' and 'Relative'

Truth," H. H. Joachim; "Professor James on 'Humanism and Truth,'" H. W.

B. Joseph; "Applied Axioms," A. Sidgwick. Of these articles the second and third "continue the humanistic (or pragmatistic) controversy," the first "deeply connects with it." ED.]

[107] Professor Baldwin, for example. His address 'On Selective Thinking' (_Psychological Review_, [vol. V], 1898, reprinted in his volume, _Development and Evolution_) seems to me an unusually well-written pragmatic manifesto. Nevertheless in 'The Limits of Pragmatism' (_ibid._, [vol. XI], 1904), he (much less clearly) joins in the attack.

[108] The ethical changes, it seems to me, are beautifully made evident in Professor Dewey's series of articles, which will never get the attention they deserve till they are printed in a book. I mean: 'The Significance of Emotions,' _Psychological Review_, vol. II, [1895], p.

13; 'The Reflex Arc Concept in Psychology,' _ibid._, vol. III, [1896], p. 357; 'Psychology and Social Practice,' _ibid._, vol. VII, [1900], p.

105; 'Interpretation of Savage Mind,' _ibid._, vol. IX, [1902], p. 217; 'Green's Theory of the Moral Motive,' _Philosophical Review_, vol. I, [1892], p. 593; 'Self-realization as the Moral Ideal,' _ibid._, vol. II, [1893], p. 652; 'The Psychology of Effort,' _ibid._, vol. VI, [1897], p.

43; 'The Evolutionary Method as Applied to Morality,' _ibid._, vol. XI, [1902], pp. 107, 353; 'Evolution and Ethics,' _Monist_, vol. VIII, [1898], p. 321; to mention only a few.

[109] [The author employs the term 'humanism' either as a synonym for 'radical empiricism' (cf. _e.g._, above, p. 156); or as that general philosophy of life of which 'radical empiricism' is the theoretical ground (cf. below, p. 194). For other discussions of 'humanism,' cf.

below, essay XI, and _The Meaning of Truth_, essay III. ED.]

[110] [Omitted from reprint in _Meaning of Truth_. The articles referred to are 'Does Consciousness Exist?' and 'A World of Pure Experience,'

reprinted above.]

[111] In _Science_, November 4, 1904, p. 599.

[112] This statement is probably excessively obscure to any one who has not read my two articles, 'Does Consciousness Exist?' and 'A World of Pure Experience.'

[113] [Cf. above, p. 134; and below, p. 202.]

[114] [Cf. above, pp. 134, 197.]

[115] [Omitted from reprint in _Meaning of Truth_. The review referred to is reprinted below, pp. 244-265, under the t.i.tle "Humanism and Truth Once More." ED.]

VIII

LA NOTION DE CONSCIENCE[116]

Je voudrais vous communiquer quelques doutes qui me sont venus au sujet de la notion de Conscience qui regne dans tous nos traites de psychologie.

On definit habituellement la Psychologie comme la Science des faits de Conscience, ou des _phenomenes_, ou encore des _etats_ de la Conscience.

Qu'on admette qu'elle se rattache a des _moi_ personnels, ou bien qu'on la croie impersonnelle a la facon du "moi transcendental" de Kant, de la _Bewusstheit_ ou du _Bewusstsein uberhaupt_ de nos contemporains en Allemagne, cette conscience est toujours regardee comme possedant une essence propre, absolument distincte de l'essence des choses materielles, qu'elle a le don mysterieux de representer et de connaitre. Les faits materiels, pris dans leur materialite, ne sont pas _eprouves_, ne sont pas objets _d'experience_, ne se _rapportent_ pas.

Pour qu'ils prennent la forme du systeme dans lequel nous nous sentons vivre, il faut qu'ils _apparaissent_, et ce fait d'apparaitre, surajoute a leur existence brute, s'appelle la conscience que nous en avons, ou peut-etre, selon l'hypothese panpsychiste, qu'ils ont d'eux-memes.

Voila ce dualisme invetere qu'il semble impossible de cha.s.ser de notre vue du monde. Ce monde peut bien exister en soi, mais nous n'en savons rien, car pour nous il est exclusivement un objet d'experience; et la condition indispensable a cet effet, c'est qu'il soit rapporte a des temoins, qu'il soit connu par un sujet ou par des sujets spirituels.

Objet et sujet, voila les deux jambes sans lesquelles il semble que la philosophie ne saurait faire un pas en avant.

Toutes les ecoles sont d'accord la-dessus, scolastique, cartesianisme, kantisme, neo-kantisme, tous admettent le dualisme fondamental. Le positivisme ou agnosticisme de nos jours, qui se pique de relever des sciences naturelles, se donne volontiers, il est vrai, le nom de monisme. Mais ce n'est qu'un monisme verbal. Il pose une realite inconnue, mais nous dit que cette realite se presente toujours sous deux "aspects," un cote conscience et un cote matiere, et ces deux cotes demeurent aussi irreductibles que les attributs fondamentaux, etendue et pensee, du Dieu de Spinoza. Au fond, le monisme contemporain est du spinozisme pur.

Or, comment se represente-t-on cette conscience dont nous sommes tous si portes a admettre l'existence? Impossible de la definir, nous dit-on, mais nous en avons tous une intuition immediate: tout d'abord la conscience a conscience d'elle-meme. Demandez a la premiere personne que vous rencontrerez, homme ou femme, psychologue ou ignorant, et elle vous repondra qu'elle _se sent_ penser, jouir, souffrir, vouloir, tout comme elle se sent respirer. Elle percoit directement sa vie spirituelle comme une espece de courant interieur, actif, leger, fluide, delicat, diaphane pour ainsi dire, et absolument oppose a quoi que ce soit de materiel.

Bref, la vie subjective ne parait pas seulement etre une condition logiquement indispensable pour qu'il y ait un monde objectif qui _apparaisse_, c'est encore un element de l'experience meme que nous eprouvons directement, au meme t.i.tre que nous eprouvons notre propre corps.

Idees et Choses, comment donc ne pas reconnaitre leur dualisme?

Sentiments et Objets, comment douter de leur heterogeneite absolue?

La psychologie soi-disant scientifique admet cette heterogeneite comme l'ancienne psychologie spiritualiste l'admettait. Comment ne pas l'admettre? Chaque science decoupe arbitrairement dans la trame des faits un champ ou elle se parque, et dont elle decrit et etudie le contenu. La psychologie prend justement pour son domaine le champ des faits de conscience. Elle les postule sans les critiquer, elle les oppose aux faits materiels; et sans critiquer non plus la notion de ces derniers, elle les rattache a la conscience par le lien mysterieux de la _connaissance_, de, l'_aperception_ qui, pour elle, est un troisieme genre de fait fondamental et ultime. En suivant cette voie, la psychologie contemporaine a fete de grands triomphes. Elle a pu faire une esquisse de l'evolution de la vie consciente, en concevant cette derniere comme s'adaptant de plus en plus completement au milieu physique environnant. Elle a pu etablir un parallelisme dans le dualisme, celui des faits psychiques et des evenements cerebraux. Elle a explique les illusions, les hallucinations, et jusqu'a un certain point, les maladies mentales. Ce sont de beaux progres; mais il reste encore bien des problemes. La philosophie generale surtout, qui a pour devoir de scruter tous les postulats, trouve des paradoxes et des empechements la ou la science pa.s.se outre; et il n'y a que les amateurs de science populaire qui ne sont jamais perplexes. Plus on va au fond des choses, plus on trouve d'enigmes; et j'avoue pour ma part que depuis que je m'occupe serieus.e.m.e.nt de psychologie, ce vieux dualisme de matiere et de pensee, cette heterogeneite posee comme absolue des deux essences, m'a toujours presente des difficultes. C'est de quelques-unes de ces difficultes que je voudrais maintenant vous entretenir.

D'abord il y en a une, laquelle, j'en suis convaincu, vous aura frappes tous. Prenons la perception exterieure, la sensation directe que nous donnent par exemple les murs de cette salle. Peut-on dire ici que le psychique et le physique sont absolument heterogenes? Au contraire, ils sont si peu heterogenes que si nous nous placons au point de vue du sens commun; si nous faisons abstraction de toutes les inventions explicatives, des molecules et des ondulations etherees, par exemple, qui au fond sont des ent.i.tes metaphysiques; si, en un mot, nous prenons la realite navement et telle qu'elle nous est donnee tout d'abord, cette realite sensible d'ou dependent nos interets vitaux, et sur laquelle se portent toutes nos actions; eh bien, cette realite sensible et la sensation que nous en avons sont, au moment ou la sensation se produit, absolument identiques l'une a l'autre. La realite est l'aperception meme. Les mots "murs de cette salle" ne signifient que cette blancheur fraiche et sonore qui nous entoure, coupee par ces fenetres, bornee par ces lignes et ces angles. Le physique ici n'a pas d'autre contenu que le psychique. Le sujet et l'objet se confondent.

C'est Berkeley qui le premier a mis cette verite en honneur. _Esse est percipi._ Nos sensations ne sont pas de pet.i.ts duplicats interieurs des choses, elles sont les choses memes en tant que les choses nous sont presentes. Et quoi que l'on veuille penser de la vie absente, cachee, et pour ainsi dire privee, des choses, et quelles que soient les constructions hypothetiques qu'on en fa.s.se, il reste vrai que la vie publique des choses, cette actualite presente par laquelle elles nous confrontent, d'ou derivent toutes nos constructions theoriques, et a laquelle elles doivent toutes revenir et se rattacher sous peine de flotter dans l'air et dans l'irreel; cette actualite, dis-je, est h.o.m.ogene, et non pas seulement h.o.m.ogene, mais numeriquement une, avec une certaine partie de notre vie interieure.

Voila pour la perception exterieure. Quand on s'adresse a l'imagination, a la memoire ou aux facultes de representation abstraite, bien que les faits soient ici beaucoup plus compliques, je crois que la meme h.o.m.ogeneite essentielle se degage. Pour simplifier le probleme, excluons d'abord toute realite sensible. Prenons la pensee pure, telle qu'elle s'effectue dans le reve ou la reverie, ou dans la memoire du pa.s.se. Ici encore, l'etoffe de l'experience ne fait-elle pas double emploi, le physique et le psychique ne se confondent-ils pas? Si je reve d'une montagne d'or, elle n'existe sans doute pas en dehors du reve, mais _dans_ le reve elle est de nature ou d'essence parfaitement physique, c'est _comme_ physique qu'elle m'apparait. Si en ce moment je me permets de me souvenir de ma maison en Amerique, et des details de mon embarquement recent pour l'Italie, le phenomene pur, le fait qui se produit, qu'est-il? C'est, dit-on, ma pensee, avec son contenu. Mais encore ce contenu, qu'est-il? Il porte la forme d'une partie du monde reel, partie distante, il est vrai, de six mille kilometres d'es.p.a.ce et de six semaines de temps, mais reliee a la salle ou nous sommes par une foule de choses, objets et evenements, h.o.m.ogenes d'une part avec la salle et d'autre part avec l'objet de mes souvenirs.

Ce contenu ne se donne pas comme etant d'abord un tout pet.i.t fait interieur que je projetterais ensuite au loin, il se presente d'emblee comme le fait eloigne meme. Et l'acte de penser ce contenu, la conscience que j'en ai, que sont-ils? Sont-ce au fond autre chose que des manieres retrospectives de nommer le contenu lui-meme, lorsqu'on l'aura separe de tous ces intermediaires physiques, et relie a un nouveau groupe d'a.s.socies qui le font rentrer dans ma vie mentale, les emotions par exemple qu'il a eveillees en moi, l'attention que j'y porte, mes idees de tout a l'heure qui l'ont suscite comme souvenir? Ce n'est qu'en se rapportant a ces derniers a.s.socies que le phenomene arrive a etre cla.s.se comme _pensee_; tant qu'il ne se rapporte qu'aux premiers il demeure phenomene _objectif_.

Il est vrai que nous opposons habituellement nos images interieures aux objets, et que nous les considerons comme de pet.i.tes copies, comme des calques ou doubles, affaiblis, de ces derniers. C'est qu'un objet present a une vivacite et une nettete superieures a celles de l'image.

Il lui fait ainsi contraste; et pour me servir de l'excellent mot de Taine, il lui sert de _reducteur_. Quand les deux sont presents ensemble, l'objet prend le premier plan et l'image "recule," devient une chose "absente." Mais cet objet present, qu'est-il en lui-meme? De quelle etoffe est-il fait? De la meme etoffe que l'image. Il est fait de _sensations_; il est chose percue. Son _esse_ est _percipi_, et lui et l'image sont generiquement h.o.m.ogenes.

Si je pense en ce moment a mon chapeau que j'ai laisse tout a l'heure au vestiaire, ou est le dualisme, le discontinu, entre le chapeau pense et le chapeau reel? C'est d'un vrai _chapeau absent_ que mon esprit s'occupe. J'en tiens compte pratiquement comme d'une realite. S'il etait present sur cette table, le chapeau determinerait un mouvement de ma main: je l'enleverais. De meme ce chapeau concu, ce chapeau en idee, determinera tantot la direction de mes pas. J'irai le prendre. L'idee que j'en ai se continuera jusqu'a la presence sensible du chapeau, et s'y fondra harmonieus.e.m.e.nt.

Je conclus donc que,--bien qu'il y ait un dualisme pratique--puisque les images se distinguent des objets, en tiennent lieu, et nous y menent, il n'y a pas lieu de leur attribuer une difference de nature essentielle.

Pensee et actualite sont faites d'une seule et meme etoffe, qui est l'etoffe de l'experience en general.

La psychologie de la perception exterieure nous mene a la meme conclusion. Quand j'apercois l'objet devant moi comme une table de telle forme, a telle distance, on m'explique que ce fait est d a deux facteurs, a une matiere de sensation qui me penetre par la voie des yeux et qui donne l'element d'exteriorite reelle, et a des idees qui se reveillent, vont a la rencontre de cette realite, la cla.s.sent et l'interpretent. Mais qui peut faire la part, dans la table concretement apercue, de ce qui est sensation et de ce qui est idee? L'externe et l'interne, l'etendu et l'inetendu, se fusionnent et font un mariage indissoluble. Cela rappelle ces panoramas circulaires, ou des objets reels, rochers, herbe, chariots brises, etc., qui occupent l'avant-plan, sont si ingenieus.e.m.e.nt relies a la toile qui fait le fond, et qui represente une bataille ou un vaste paysage, que l'on ne sait plus distinguer ce qui est objet de ce qui est peinture. Les coutures et les joints sont imperceptibles.

Cela pourrait-il advenir si l'objet et l'idee etaient absolument dissemblables de nature?

Je suis convaincu que des considerations pareilles a celles que je viens d'exprimer auront deja suscite, chez vous aussi, des doutes au sujet du dualisme pretendu.

Et d'autres raisons de douter surgissent encore. Il y a toute une sphere d'adjectifs et d'attributs qui ne sont ni objectifs, ni subjectifs d'une maniere exclusive, mais que nous employons tantot d'une maniere et tantot d'une autre, comme si nous nous complaisions dans leur ambigute.

Je parle des qualites que nous _apprecions_, pour ainsi dire, dans les choses, leur cote esthetique, moral, leur valeur pour nous. La beaute, par exemple, ou reside-t-elle? Est-elle dans la statue, dans la sonate, ou dans notre esprit? Mon collegue a Harvard, George Santayana, a ecrit un livre d'esthetique,[117] ou il appelle la beaute "le plaisir objectifie"; et en verite, c'est bien ici qu'on pourrait parler de projection au dehors. On dit indifferemment une chaleur agreable, ou une sensation agreable de chaleur. La rarete, le precieux du diamant nous en paraissent des qualites essentielles. Nous parlons d'un orage affreux, d'un homme ha.s.sable, d'une action indigne, et nous croyons parler objectivement, bien que ces termes n'expriment que des rapports a notre sensibilite emotive propre. Nous disons meme un chemin penible, un ciel triste, un coucher de soleil superbe. Toute cette maniere animiste de regarder les choses qui parait avoir ete la facon primitive de penser des hommes, peut tres bien s'expliquer (et M. Santayana, dans un autre livre tout recent,[118] l'a bien expliquee ainsi) par l'habitude d'attribuer a l'objet _tout_ ce que nous ressentons en sa presence. Le partage du subjectif et de l'objectif est le fait d'une reflexion tres avancee, que nous aimons encore ajourner dans beaucoup d'endroits. Quand les besoins pratiques ne nous en tirent pas forcement, il semble que nous aimons a nous bercer dans le vague.

Les qualites secondes elles-memes, chaleur, son, lumiere, n'ont encore aujourd'hui qu'une attribution vague. Pour le sens commun, pour la vie pratique, elles sont absolument objectives, physiques. Pour le physicien, elles sont subjectives. Pour lui, il n'y a que la forme, la ma.s.se, le mouvement, qui aient une realite exterieure. Pour le philosophe idealiste, au contraire, forme et mouvement sont tout aussi subjectifs que lumiere et chaleur, et il n'y a que la chose-en-soi inconnue, le "noumene," qui jouisse d'une realite extramentale complete.

Nos sensations intimes conservent encore de cette ambigute. Il y a des illusions de mouvement qui prouvent que nos premieres sensations de mouvement etaient generalisees. C'est le monde entier, avec nous, qui se mouvait. Maintenant nous distinguons notre propre mouvement de celui des objets qui nous entourent, et parmi les objets nous en distinguons qui demeurent en repos. Mais il est des etats de vertige ou nous retombons encore aujourd'hui dans l'indifferenciation premiere.

Vous connaissez tous sans doute cette theorie qui a voulu faire des emotions des sommes de sensations viscerales et musculaires. Elle a donne lieu a bien des controverses, et aucune opinion n'a encore conquis l'unanimite des suffrages. Vous connaissez aussi les controverses sur la nature de l'activite mentale. Les uns soutiennent qu'elle est une force purement spirituelle que nous sommes en etat d'apercevoir immediatement comme telle. Les autres pretendent que ce que nous nommons activite mentale (effort, attention, par exemple) n'est que le reflet senti de certains effets dont notre organisme est le siege, tensions musculaires au crane et au gosier, arret ou pa.s.sage de la respiration, afflux de sang, etc.

De quelque maniere que se resolvent ces controverses, leur existence prouve bien clairement une chose, c'est qu'il est tres difficile, ou meme absolument impossible de savoir, par la seule inspection intime de certains phenomenes, s'ils sont de nature physique, occupant de l'etendue, etc., ou s'ils sont de nature purement psychique et interieure. Il nous faut toujours trouver des raisons pour appuyer notre avis; il nous faut chercher la cla.s.sification la plus probable du phenomene; et en fin de compte il pourrait bien se trouver que toutes nos cla.s.sifications usuelles eussent eu leurs motifs plutot dans les besoins de la pratique que dans quelque faculte que nous aurions d'apercevoir deux essences ultimes et diverses qui composeraient ensemble la trame des choses. Le corps de chacun de nous offre un contraste pratique presque violent a tout le reste du milieu ambiant.

Tout ce qui arrive au dedans de ce corps nous est plus intime et important que ce qui arrive ailleurs. Il s'identifie avec notre moi, il se cla.s.se avec lui. Ame, vie, souffle, qui saurait bien les distinguer exactement? Meme nos images et nos souvenirs, qui n'agissent sur le monde physique que par le moyen de notre corps, semblent appartenir a ce dernier. Nous les traitons comme internes, nous les cla.s.sons avec nos sentiments affectifs. Il faut bien avouer, en somme, que la question du dualisme de la pensee et de la matiere est bien loin d'etre finalement resolue.

Et voila terminee la premiere partie de mon discours. J'ai voulu vous penetrer, Mesdames et Messieurs, de mes doutes et de la realite, aussi bien que de l'importance, du probleme.

Quant a moi, apres de longues annees d'hesitation, j'ai fini par prendre mon parti carrement. Je crois que la conscience, telle qu'on se la represente communement, soit comme ent.i.te, soit comme activite pure, mais en tout cas comme fluide, inetendue, diaphane, vide de tout contenu propre, mais se connaissant directement elle-meme, spirituelle enfin, je crois, dis-je, que cette conscience est une pure chimere, et que la somme de realites concretes que le mot conscience devrait couvrir, merite une toute autre description, description, du reste, qu'une philosophie attentive aux faits et sachant faire un peu d'a.n.a.lyse, serait desormais en etat de fournir ou plutot de commencer a fournir. Et ces mots m'amenent a la seconde partie de mon discours. Elle sera beaucoup plus courte que la premiere, parce que si je la developpais sur la meme ech.e.l.le, elle serait beaucoup trop longue. Il faut, par consequent, que je me restreigne aux seules indications indispensables.

Admettons que la conscience, la _Bewusstheit_, concue comme essence, ent.i.te, activite, moitie irreductible de chaque experience, soit supprimee, que le dualisme fondamental et pour ainsi dire ontologique soit aboli et que ce que nous supposions exister soit seulement ce qu'on a appele jusqu'ici le _contenu_, le _Inhalt_, de la conscience; comment la philosophie va-t-elle se tirer d'affaire avec l'espece de monisme vague qui en resultera? Je vais tacher de vous insinuer quelques suggestions positives la-dessus, bien que je craigne que, faute du developpement necessaire, mes idees ne repandront pas une clarte tres grande. Pourvu que j'indique un commencement de sentier, ce sera peut-etre a.s.sez.

Au fond, pourquoi nous accrochons-nous d'une maniere si tenace a cette idee d'une conscience surajoutee a l'existence du contenu des choses?

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