BestLightNovel.com

Le Petit Chose Part 6

Le Petit Chose - BestLightNovel.com

You’re reading novel Le Petit Chose Part 6 online at BestLightNovel.com. Please use the follow button to get notification about the latest chapter next time when you visit BestLightNovel.com. Use F11 button to read novel in full-screen(PC only). Drop by anytime you want to read free – fast – latest novel. It’s great if you could leave a comment, share your opinion about the new chapters, new novel with others on the internet. We’ll do our best to bring you the finest, latest novel everyday. Enjoy

M. Viot, plus souriant et plus doux que jamais, m'accompagna jusqu'a la porte; mais, avant de me quitter, il me glissa dans la main un pet.i.t cahier.

- C'est le reglement de la maison, me dit-il. Lisez et meditez....

Puis il ouvrit la porte et la referma sur moi, en agitant ses clefs d'une facon... frinc! frinc! frinc!

Ces messieurs avaient oublie de m'eclairer.... J'errai un moment parmi les grands corridors tout noirs, tatant les murs pour essayer de retrouver mon chemin. De loin en loin, un peu de lune entrait par le grillage d'une fenetre haute et m'aidait a m'orienter. Tout a coup, dans la nuit des galeries, un point lumineux brilla, venant a ma rencontre....

Je fis encore quelques pas; [35] la lumiere grandit, s'approcha de moi, pa.s.sa a mes cotes, s'eloigna, disparut. Ce fut comme une vision; mais, si rapide qu'elle eut ete, je pus en saisir les moindres details.

Figurez-vous deux femmes, non, deux ombres.... L'une vieille, ridee, ratatinee, pliee en deux, avec d'enormes lunettes qui lui cachaient la moitie du visage; l'autre, jeune, svelte, un peu grele comme tous les fantomes, mais ayant,-ce que les fantomes n'ont pas en general,- une paire d'yeux noirs, tres grands, et si noirs, si noirs....

La vieille tenait a la main une pet.i.te lampe de cuivre; les yeux noirs, eux, ne portaient rien.... Les deux ombres pa.s.serent pres de moi, rapides, silencieuses, sans me voir, et depuis longtemps elles avaient disparu que j'etais encore debout, a la meme place, sous une double impression de charme et de terreur.

Je repris ma route a tatons, mais le cur me battait bien fort, et j'avais toujours devant moi, dans l'ombre, l'horrible fee aux lunettes marchant a cote des yeux noirs....

Il s'agissait cependant de decouvrir un gite pour la nuit; ce n'etait pas une mince affaire. Heureus.e.m.e.nt l'homme aux moustaches, que je trouvai fumant sa pipe devant la loge du portier, se mit tout de suite a ma disposition et me proposa de me conduire dans un bon pet.i.t hotel point trop cher, ou je serais servi comme un prince. Vous pensez si j'acceptai de bon cur.

Cet homme a moustaches avait l'air tres bon enfant; chemin faisant, j'appris qu'il s'appelait Roger, qu'il etait professeur de danse, d'equitation, d'escrime et de [36] gymnase au college de Sarlande, et qu'il avait servi longtemps dans les cha.s.seurs d'Afrique.

Ceci acheva de me le rendre sympathique. Les enfants sont toujours portes a aimer les soldats. Nous nous separames a la porte de l'hotel avec force poignees de main, et la promesse formelle de devenir une paire d'amis.

Et maintenant, lecteur, un aveu me reste a te faire.

Quand le pet.i.t Chose se trouva seul dans cette chambre froide, devant ce lit d'auberge inconnu et ba.n.a.l, loin de ceux qu'il aimait, son cur eclata, et ce grand philosophe pleura comme un enfant.

La vie l'epouvantait a present; il se sentait faible et desarme devant elle, et il pleurait, il pleurait.... Tout a coup, au milieu de ses larmes, l'image des siens pa.s.sa devant ses yeux; il vit la maison deserte, la famille dispersee, la mere ici, le pere la-bas.... Plus de toit!

plus de foyer! et alors, oubliant sa propre detresse pour ne songer qu'a la misere commune, le pet.i.t Chose prit une grande et belle resolution: celle de reconst.i.tuer la maison Eyssette et de reconstruire le foyer a lui tout seul. Puis, fier d'avoir trouve ce n.o.ble but a sa vie, il essuya ces larmes indignes d'un homme, d'un reconstructeur de foyer, et sans perdre une minute entama la lecture du reglement de M. Viot, pour se mettre au courant de ses nouveaux devoirs.

Ce reglement, recopie avec amour de la propre main de M. Viot, son auteur, etait un veritable traite, divise methodiquement en trois parties:

1 Devoirs du maitre d'etude envers ses superieurs;

2 Devoirs du maitre d'etude envers ses colleges; [37]

3 Devoirs du maitre d'etude envers les eleves.

Tous les cas y etaient prevus, depuis le carreau brise jusqu'aux deux mains qui se levent en meme temps a l'etude; tous les details de la vie des maitres y etaient consignes, depuis le chiffre de leurs appointements jusqu'a la demi-bouteille de vin a laquelle ils avaient droit a chaque repas.

Le reglement se terminait par une belle piece d'eloquence, un discours sur l'utilite du reglement lui-meme; mais, malgre son respect pour l'uvre de M. Viot, le pet.i.t Chose n'eut pas la force d'aller jusqu'au bout, et,-juste au plus beau pa.s.sage du discours,-il s'endormit....

Cette nuit-la, je dormis mal. Mille reves fantastiques troublerent mon sommeil.... Tantot c'etait les terribles clefs de M. Viot que je croyais entendre, frinc! frinc! frinc! ou bien la fee aux lunettes qui venait s'a.s.seoir a mon chevet et qui me reveillait en sursaut; d'autrefois aussi les yeux noirs,-oh! comme ils etaient noirs!-s'installaient au pied de mon lit, me regardant avec une etrange obstination....

Le lendemain, a huit heures, j'arrivai au college. M. Viot, debout sur la porte, son trousseau de clefs a la main, surveillait l'entree des externes. Il m'accueillit avec son plus doux sourire.

- Attendez sous le porche, me dit-il, quand les eleves seront rentres, je vous presenterai a vos colleges.

J'attendis sous le porche, me promenant de long en large, saluant jusqu'a terre MM. les professeurs qui [38] accouraient essouffles. Un seul de ces messieurs me rendit mon salut; c'etait un pretre, le professeur de philosophie, "un original" me dit M. Viot.... Je l'aimai tout de suite, cet original-la.

La cloche sonna. Les cla.s.ses se remplirent.... Quatre ou cinq grands garcons de vingt-cinq a trente ans, mal vetus, figures communes, arriverent en gambadant et s'arreterent interdits a l'aspect de M. Viot.

- Messieurs, leur dit le surveillant general en me designant, voici M. Daniel Eyssette, votre nouveau collegue.

Ayant dit, il fit une longue reverence et se retira, toujours souriant, toujours la tete sur l'epaule, et toujours agitant les horribles clefs.

Mes colleges et moi nous nous regardames un moment en silence.

Le plus grand et le plus gros d'entre eux prit le premier la parole; c'etait M. Serrieres, le fameux Serrieres, que j'allais remplacer.

- Parbleu! s'ecria-t-il d'un ton joyeux, c'est bien le cas de dire que les maitres se suivent, mais ne se ressemblent pas.

Ceci etait une allusion a la prodigieuse difference de taille qui existait entre nous. On en rit beaucoup, beaucoup, moi le premier; mais je vous a.s.sure qu'a ce moment-la le pet.i.t Chose aurait volontiers vendu son ame au diable pour avoir seulement quelques pouces de plus.

- ca ne fait rien, ajouta le gros Serrieres en me tendant la main; quoiqu'on ne soit pas bati pour [39] pa.s.ser sous la meme toise, on peut tout de meme vider quelques flacons ensemble. Venez avec nous, collegue..., je paye un punch d'adieu au cafe Barbette; je veux que vous en soyez...: on fera connaissance en trinquant.

Sans me laisser le temps de repondre, il prit mon bras sous le sien et m'entraina dehors.

Le cafe Barbette, ou mes nouveaux colleges me menerent, etait situe sur la place d'armes. Les sous-officiers de la garnison le frequentaient, et ce qui frappait en y entrant, c'etait la quant.i.te de shakos et de ceinturons pendus aux pateres....

Ce jour-la, le depart de Serrieres et son punch d'adieu avaient attire le ban et l'arriere-ban des habitues.... Les sous-officiers, auxquels Serrieres me presenta en arrivant, m'accueillirent avec beaucoup de cordialite. A dire vrai, pourtant, l'arrivee du pet.i.t Chose ne fit pas grande sensation, et je fus bien vite oublie, dans le coin de la salle ou je m'etais refugie timidement.... Pendant que les verres se remplissaient, le gros Serrieres vint s'a.s.seoir a cote de moi; il avait quitte sa redingote et tenait aux dents une longue pipe de terre sur laquelle son nom etait en lettres de porcelaine. Tous les maitres d'etude avaient, au cafe Barbette, une pipe comme cela.

- Eh bien! collegue, me dit le gros Serrieres, vous voyez qu'il y a encore de bons moments dans le metier.... En somme, vous etes bien tombe en venant a Sarlande pour votre debut. D'abord l'absinthe du cafe Barbette est excellente, et puis, la-bas, a la boite, vous ne serez pas trop mal.

[40]

La boite, c'etait le college.

- Vous allez avoir l'etude des pet.i.ts, des gamins qu'on mene a la baguette. Il faut voir comme je les ai dresses! Le princ.i.p.al n'est pas mechant; les colleges sont de bons garcons: il n'y a que la vieille et le pere Viot....

- Quelle vieille? demandai-je en tressaillant.

- Oh! vous la connaitrez bientot. A toute heure du jour et de la nuit, on la rencontre rodant par le college, avec une enorme paire de lunettes.... C'est une tante du princ.i.p.al, et elle remplit ici les fonctions d'econome. Ah! la coquine! si nous ne mourons pas de faim, ce n'est pas de sa faute.

Au signalement que me donnait Serrieres, j'avais reconnu la fee aux lunettes et malgre moi je me sentais rougir. Dix fois je fus sur le point d'interrompre mon collegue et de lui demander: "Et les yeux noirs?"

Mais je n'osai pas. Parler des yeux noirs au cafe Barbette!...

En attendant, le punch circulait, les verres vides s'emplissaient, les verres remplis se vidaient; c'etait des toasts, des oh! oh!

des ah! ah! des queues de billard en l'air, des bousculades, de gros rires, des calembours, des confidences....

Peu a peu, le pet.i.t Chose se sent.i.t moins timide. Il avait quitte son encoignure et se promenait par le cafe, parlant haut, le verre a la main.

A cette heure les sous-officiers etaient ses amis; il raconta effrontement a l'un d'eux qu'il appartenait a une famille tres riche et qu'a la suite de quelques folies de jeune homme on l'avait cha.s.se de la maison [41] paternelle; il s'etait fait maitre d'etude pour vivre, mais il ne pensait pas rester au college longtemps.... Vous comprenez, avec une famille tellement riche!....

Ah! si ceux de Lyon avaient pu l'entendre a ce moment-la!

Ce que c'est que de nous, pourtant! Quand on sut au cafe Barbette que j'etais un fils de famille en rupture de ban, un polisson, un mauvais drole, et non point, comme on aurait pu le croire, un pauvre garcon cond.a.m.ne par la misere a la pedagogie, tout le monde me regarda d'un meilleur il. Les plus anciens sous-officiers ne dedaignerent pas de m'adresser la parole; on alla meme plus loin: au moment de partir, Roger, le maitre d'armes, mon ami de la veille, se leva et porta un toast a Daniel Eyssette. Vous pensez si le pet.i.t Chose fut fier!

Le toast a Daniel Eyssette donna le signal du depart.

Il etait dix heures moins le quart, c'est-a-dire l'heure de retourner au college.

L'homme aux clefs nous attendait sur la porte.

- Monsieur Serrieres, dit-il a mon gros collegue, vous allez, pour la derniere fois, conduire vos eleves a l'etude; des qu'ils seront entres, M. le princ.i.p.al et moi nous viendrons installer le nouveau maitre.

Please click Like and leave more comments to support and keep us alive.

RECENTLY UPDATED MANGA

Le Petit Chose Part 6 summary

You're reading Le Petit Chose. This manga has been translated by Updating. Author(s): Alphonse Daudet. Already has 617 views.

It's great if you read and follow any novel on our website. We promise you that we'll bring you the latest, hottest novel everyday and FREE.

BestLightNovel.com is a most smartest website for reading manga online, it can automatic resize images to fit your pc screen, even on your mobile. Experience now by using your smartphone and access to BestLightNovel.com