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The Principal Navigations, Voyages, Traffiques and Discoveries of the English Nation Volume X Part 12

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Au sortir de Tha.r.s.e je fis encore trois lieues Francaises a travers un beau pays de plaines, peuple de Turcomans; mais enfin j'entrai dans les montagnes, montagnes les plus hautes que j'aie encore vues. Elles enveloppent par trois cotes tout le pays que j'avois parcouru depuis Antioche. L'autre partie est fermee au midi par la mer.

D'abord on a des bois a traverser. Ce chemin dure tout un jour, et il n'est pas malaise. Nous logeames le soir dans un pa.s.sage etroit ou il me parut que jadis il y avoit eu un chateau. La seconde journee n'eut point de mauvaise route encore, et nous vinmes pa.s.ser la nuit dans un caravanserai.

La troisieme, nous cotoyames constamment une pet.i.te riviere, et vimes dans les montagnes une mult.i.tude immense de perdrix griaches. Notre halte du soir fut dans une plaine d'environ une lieue de longueur sur un quart de large.

La se rencontrent quatre grandes combes (vallees). L'une est celle par laquelle nous etions venus; l'autre, qui perce au nord, tire vers le pays du seigneur, qu'on appelle Turcgadirony, et vers la Perse; la troisieme s'etend au Levant, et j'ignore si elle conduit de meme a la Perse; la derniere enfin est au couchant, et c'est celle que j'ai prise, et qui m'a conduit au pays du karman. Chacune des quatre a une riviere, et les quatre rivieres se rendent dans ce dernier pays.

Il neigea beaucoup pendant la nuit. Pour garantir mon cheval, je le couvris avec mon capinat, cette robe de feutre qui me servoit de manteau. Mais moi j'eus froid, et il me prit une maladie qui est malhonnete (le devoiement): j'eusse meme ete en danger, sans mon mamelouck, qui me secourut et qui me fit sortir bien vite de ce lieu.

Nous partimes donc de grand matin tous deux, et entrames dans les hautes montagnes. Il y a la un chateau nomme Cublech, le plus eleve que je connoisse. On le voit a une distance de deux journees. Quelquefois cependant on lui tourne le dos, a cause des detours qu'occasionnent les montagnes; quelquefois aussi on cesse de le voir, parce qu'il est cache par des hauteurs: mais on ne peut penetrer au pays du karman qu'en pa.s.sant au pied de celle ou il est bati. Le pa.s.sage est etroit. Il a fallu meme en quelques parties l'ouvrir au ciseau; mais par-tout il est domine par le Cublech. Ce chateau, le dernier [Footnote: Ce mot dernier signifie probablement ici le plus recule, le plus eloigne a la frontiere.] de ceux qu'ont perdus les Armeniens, appartient aujourd'hui au karman, qui l'a eu en partage a la mort de Ramedang.

Ces montagnes sont couvertes de neige en tout temps, et il n'y a qu'un pa.s.sage pour les chevaux, quoiqu'on y trouve de temps en temps de jolies pet.i.tes plaines. Elles sont dangereuses, par les Turcomans qui y sont repandus; mais pendant les quatre jours de marche que j'y ai faite, je n'y ai pas vu une seule habitation.

Quand on quitte les montagnes d'Armenie pour entrer dans le pays du karman, on en trouve d'autres qu'il faut traverser encore. Sur l'une de celles-ci est une gorge avec un chateau nomme Leve, ou l'on paie au karman un droit de pa.s.sage. Ce peage etoit afferme a un Grec, qui, en me voyant, me reconnut a mes traits pour chretien, et m'arreta. Si j'avois ete oblige de retourner, j'etois un homme mort, et on me l'a dit depuis: avant d'avoir fait une demi lieue j'eusse ete egorge; car la caravane etpit encore fort loin. Heureus.e.m.e.nt mon mamelouk gagna le Grec, et, moyennant deux ducats que je lui donnai, il me livra pa.s.sage.

Plus loin est le chateau d'Asers, et par-de-la le chateau une ville nommee Araclie (Eregli).

En debouchant des montagnes on entre dans un pays aussi uni que la mer; cependant on y voit encore vers la tremontane (le nord) quelques hauteurs qui, semees d'es.p.a.ce en es.p.a.ce, semblent des iles au milieu des flots.

C'est dans cette plaine qu'est Eregli, ville autrefois fermee, et aujourd'hui dans un grand delabrement. J'y trouvai au moins des vivres; car, dans mes quatre jours de marche depuis Tha.r.s.e, la route ne m'avoit offert que de l'eau. Les environs de la ville sont couverts de villages habites en tres-grande partie par des Turcomans.

Au sortir d'Eregli nous trouvames deux gentilshommes du pays qui paroissoient gens de distinction; ils firent beaucoup d'amitie au mamelouck, et le menerent, pour le regaler a un village voisin dont les habitations son toutes creusees dans le roc. Nous y pa.s.sames la nuit; mais moi je fus oblige de pa.s.ser dans une caverne le reste du jour, pour y garder nos chevaux. Quand le mamelouck revint, il me dit que ces deux hommes lui avoient demande qui j'etois, et qu'il leur avoit repondu, en leur donnant le change, que j'etois un Circa.s.sien qui ne savoit point parler Arabe.

D'Eregli a Larande, ou nous allames, il y a deux journees. Cette ville-ci, quoique non close, est grande, marchande et bien situee. Il y avoit autrefois au centre un grand et fort chateau dont on voit encore les portes, qui sont en fer et tres-belles; mais les murs sont abbatus. D'une ville a l'autre on a, comme je l'ai dit, un beau pays plat; et depuis Leve je n'ai pas vu un seul arbre qui fut en rase campagne.

Il y avoit a Larande deux gentilshommes de Cypre, dont l'un s'appelloit Lyachin Castrico; l'autre, Leon Maschero, et qui tous deux parloient a.s.sez bien Francais. [Footnote: Les Lusignan, devenus rois de Cypre sur la fin du douzieme siecle, avoient introduit dans cette ile la langue Francaise.

C'est en Cypre, au pa.s.sage de saint Louis pour sa croisade d'Egypte que fut fait et publie ce code qu'on appela a.s.sises de Jerusalem, et qui devint le code des Cypriots. La langue Francaise continua d'etre celle de la cour et des gens bien eleves.] Ils me demanderent quelle etoit ma patrie, et comment je me trouvais la. Je leur repondis que j'etois serviteur de monseigneur de Bourgogne, que je venois de Jerusalem et de Damas, et que j'avois suivi la caravane. Ils me parurent tres-emerveilles de ce que j'avois pu pa.s.ser; mais quand ils m'eurent demande ou j'allois, et que j'ajoutai que je retournois par terre en France vers mondit seigneur, ils me dirent que c'etoit chose impossible, et que, quand j'aurois mille vies, je les perdrois toutes. En consequence ils me proposerent de retourner en Cypre avec eux. Il y avoit dans l'ile deux galeres qui etoient venues y chercher la soeur de roi, accorde en mariage au fils de monseigneur de Savoie, [Footnote: Louis, fils d'Amedee VIII. duc de Savoie. Il epousa en 1432 Anne de Lusignan fille de Jean II, roi de Cypre, mort au mois de Juin, et soeur de Jean III, qui alors etoit sur le trone.] et ils ne doutoient point que le roi, par amour et honneur pour monseigneur de Bourgogne, ne m'y accordat pa.s.sage. Je leur repondis que puisque Dieu m'avoit fait la grace d'arriver a Larande, il me feroit probablement celle d'aller plus loin, et qu'au reste j'etois resolu d'achever mon voyage ou d'y mourir.

A mon tour je leur demandai ou ils alloient. Ils me dirent que leur roi venoit de mourir; que pendant sa vie il avoit toujours entretenu treve avec le grand karman, et que le jeune roi et son conseil les envoyoit vers lui pour renouveller l'alliance. Moi, qui etois curieux de connoitre ce grand prince que sa nation considere comme nous notre roi, je les priai de permettre que je les accompagna.s.se; et ils y consentirent.

Je trouvai a Larande un autre Cypriot. Celui-ci, nomme Perrin Pa.s.serot, et marchand, demeuroit depuis quelque temps dans le pays. Il etoit de Famagouste, et en avoit ete banni, parce qu'avec un de ses freres il avoit tente de remettre dans les mains du roi cette ville, qui etoit dans celles des Genois.

Mon mamelouck venoit de recontrer aussi cinq ou six de ses compatriotes.

C'etoient de jeunes esclaves Circa.s.siens que l'on conduisoit au soudan. Il voulut a leur pa.s.sage les regaler; et comme il avoit appris qu'il se trouvoit a Larande des chretiens, et qu'il soupconnoit qu'ils auroient du vin, il me pria de lui en procurer. Je cherchai tant que, moyennant la moitie d'un ducat, je trouvai a en acheter demi-peau de chevre (une demi-outre), et je la lui donnai.

Il montra en la recevant une joie extreme, et alla aussitot trouver ses camarades, avec lesquelles il pa.s.sa la nuit tout entiere a boire. Pour lui, il en prit tant que le lendemain, dans la route, il manqua d'en mourir; mais il se guerit par une methode qui leur est propre: dans ces cas-la, ils ont une tres-grande bouteille pleine d'eau, et a mesure que leur estomac se vide et se debarra.s.se, ils boivent de l'eau tant qu'ils peuvent en avaler, comme s'ils vouloient rincer une bouteille, puis ils la rendent et en avalent d'autre. Il employa ainsi a se laver tout le temps de la route jusqu'a midi, et il fut gueri entierement.

De Larande nous allames a Qulongue, appelee par les Grecs Quhonguopoly.

[Footnote: Plus bas le copiste a ecrit Quohongue et Quhongue. J'ecrirai desormais Couhongue.] Il y a d'un lien a l'autre deux journees. Le pays est beau et bien garni de villages; mais il manque d'eau, et n'a, ni d'autres arbres que ceux qu'on a plantes pres des habitations pour avoir du fruit, ni d'autre riviere que celle qui coule pres de la ville.

Cette ville, grande, marchande, defendue par des fosses en glacis et par de bonnes murailles garnies de tours, est la meilleure qu'ait le karman. Il lui reste un pet.i.t chateau. Jadis elle en avoit un tres-fort, qui etoit construit au centre. On l'a jete bas pour y batir le palais du roi.

[Footnote: L'auteur, d'apres ses prejuges Europeens, emploie ici le mot roi pour designer le prince, le souverain du pays.]

Je restai la quatre jours, afin de donner le temps a l'amba.s.sadeur de Cypre, et a la caravane d'arriver. Il arriva, ainsi qu'elle. Alors j'allai demander a l'amba.s.sadeur que, quand il iroit saluer le karman, il me permit de me joindre a sa suite, et il me promit. Cependant il avoit parmi ses esclaves quatre Grecs de Cypre renegats, dont l'un etoit son huissier d'armes, et qui tous quatre firent aupres de lui des efforts pour l'en detourner; mais il leur repondit qu'il n'y voyoit point d'inconvenient: d'ailleurs j'en avois temoigne tant d'envie qu'il se fit un plaisir de m'obliger.

On vint le prevenir de l'heure a laquelle il pourroit faire sa reverence au roi, lui exposer le sujet de son amba.s.sade, et offrir ses presens; car c'est une coutume au-dela des mers qu'on ne paroit jamais devant un prince sans en apporter quelques-uns. Les siens etoient six pieces de camelot de Cypre, je ne sais combien d'aunes d'ecarlate, une quarantaine de pains de sucre, un faucon pelerin et deux arbaletes, avec une douzaine de vires.

[Footnote: Vives, grosses fleches qu se lancoient avec l'arbalete.]

On envoya chez lui des genets pour apporter les presens; et, pour sa monture ainsi que pour sa suite, les chevaux qu'avoient laisses a la porte du palais ceux des grands qui etoient venus faire cortege au roi pendant la ceremonie.

Il en monta un, et mit pied a terre a l'entree du palais; apres quoi, nous entrames dans une tres-grande salle ou il pouvoit y avoir environ trois cents personnes. Le roi occupoit la chambre suivante, autour de laquelle etoient ranges trente esclaves, tous debout. Pour lui, il etoit dans un coin, a.s.sis sur un tapis par terre, selon la coutume du pays, vetu de drap d'or cramoisi, et le coude appuye sur un carreau d'une autre sorte de drap d'or. Pres de lui etoit son epee; en avant, son chancelier debout, et autour, a peu de distance, trois hommes a.s.sis.

D'abord on fit pa.s.ser sous ses yeux les presens, qu'il parut a peine regarder; puis l'amba.s.sadeur entra accompagne d'un trucheman, parce qu'il ne savoit point la langue Turque. Quand il eut fait sa reverence, le chancelier lui demanda la lettre dont il etoit porteur, et la lut tout haut. L'amba.s.sadeur alors dit au roi, par son trucheman, que le roi de Cypre envoyoit le saluer, et qu'il le prioit de recevoir avec amitie les presens qu'il lui envoyoit.

Le roi ne lui repondit pas un mot. On le fit a.s.seoir par terre, a leur maniere, mais audessous des trois personnes a.s.sises, et a.s.sez loin du prince. Alors celui-ci demanda comment se portoit son frere le roi de Cypre, et il lui fut repondu qu'il avoit perdu son pere, qu'il envoyoit renouveler l'alliance qui du vivant du mort, avoit subsiste entre les deux pays, et que pour lui il la desiroit fort. Je la souhaite egalement, dit le roi.

Celui-ci demanda encore a l'amba.s.sadeur quand etoit mort le defunt, quel age avoit son successeur, s'il etoit sage, si son pays lui obeissoit bien; et comme a ces deux dernieres questions la reponse fut un oui, il temoigna en etre bien-aise.

Apres ces paroles on dit a l'amba.s.sadeur de se lever. Il obeit, et prit conge du roi, qui ne se remua pas plus a son depart qu'il ne l'avoit fait a son arrivee. En sortant il trouva devant le palais les chevaux qui l'avoient amene. On lui en fit de nouveau monter un pour le reconduire a sa demeure; mais a peine y fut-il arrive que les huissiers d'armes se presenterent a lui. En pareilles ceremonies, c'est la coutume qu'on leur distribue de l'argent, et il en donna.

Il alla ensuite saluer le fils aine du roi, et lui presenter ses presens et ses lettres. Ce prince etoit, comme son pere, entoure de trois personnes a.s.sises. Mais quand l'amba.s.sadeur lui fit la reverence, il se leva, se ra.s.sit, le fit a.s.seoir a son tour au-dessus des trois personnages. Pour nous autres qui l'accompagnions, on nous placa bien en arriere. Moi j'avois appercu a l'ecart un banc, sur lequel j'allai me mettre sans facon; mais on vint m'en tirer, et il me fallut plier le jarret et m'accroupir a terre avec les autres. De retour a l'hotel, nous vimes arriver un huissier d'armes du fils, comme nous avions vu du pere. On lui donna aussi de l'argent, et au reste ces gens-la se contentent de peu.

a leur tour, le roi et son fils en'envoyerent a l'amba.s.sadeur pour sa depense; et c'est encore la une coutume. Le premier lui fit pa.s.ser cinquante aspres, le second trente. L'aspre est la monnoie du pays: il en faut cinquante pour un ducat de Venise.

Je vis le roi traverser la ville en cavalcade. C'etoit un Vendredi jour de fete pour eux, et il alloit faire sa priere. Sa garde etoit composee d'une cinquantaine de cavaliers, la plupart ses esclaves, et d'environ trente archers a pied qui l'entouroient. Il portoit une epee a sa ceinture et un tabolcan a l'arcon de sa selle, selon l'usage du pays. Lui et son fils ont ete baptises a la Grecque, pour oter le flair (la mauvaise odeur), et l'on m'a dit meme que la mere de son fils etoit chretienne. Il en est ainsi de tous les grands, ils se font baptiser afin qu'ils ne puent point.

Ses etats sont considerables; ils commencent a une journee en-de-ca de Ta.r.s.e; et vont jusqu'au pays d'Amurat-Bey, cet autre karman dont j'ai parle, et que nous appelons le grand-Turc. Dans ce sens, leur largeur est, dit-on, de vingt lieues au plus; mais ils ont seize journees de long, et je le sais, moi qui les ai traversees. Au nord est, ils s'etendent, m'a-t-on dit, jusqu'aux frontieres de Perse.

Le karman possede aussi une cote maritime qu'on nomme les Farsats. Elle se prolonge depuis Tha.r.s.e jusqu'a Courco, qui est au roi de Cypre, et a un port nomme Zabari. Ce canton produit les meilleurs marins que l'on connaisse; mais ils se sont revoltes contre lui.

Le karman est un beau prince, age de trente-deux ans, et qui a epouse la soeur d'Amurat-Bey. Il est fort obei dans ses etats; cependant j'ai entendu des gens qui disent de lui qu'il est tres-cruel, et qu'il pa.s.se peu de jours sans faire couper des nes, des pieds, des mains, ou mourir quelqu'un.

Un homme est-il riche, il le cond.a.m.ne a mort pour s'emparer de ses biens; et j'ai oui dire qu'il s'etoit ainsi defait des plus grands de son pays.

Huit jours avant mon arrivee il en avoit fait etrangler un par des chiens.

Deux jours apres cette execution il avoit fait mourir une de ses femmes, la mere meme de son fils aine, qui, quand je le vis, ne savoit rien encore de ce meurtre.

Les habitans de ce pays sont de mauvaises gens, voleurs, subtils et grands a.s.sa.s.sins. Ils se tuent les uns les autres, et la justice qu'il en fait ne les arrete point.

Je trouvai dans Cohongue Antoine Pa.s.serot, frere de ce Perrin Pa.s.serot que j'avois vu a Larande, qui tous deux accuses d'avoir voulu remettre Famagouste sous la puissance du roi de Cypre, en avoient ete bannis, ainsi que je l'ai dit; et ils s'etoient retires dans le pays du karman, l'un a Larande, l'autre a Couhongue. Mais Antoine venoit d'avoir une mauvaise aventure. Quelquefois peche aveugle les gens: on l'avoit trouve avec une femme de la loi Mahometane; et sur l'ordre du roi, il avoit ete oblige, pour echapper a la mort, de renier la foi catholique, quoiqu'il m'ait paru encore bon chretien.

Dans nos conversations, il me conta beaucoup de particularites sur le pays, sur le caractere et le gouvernement du seigneur, et princ.i.p.alement sur la maniere dont il avoit pris et livre Ramedang.

Le karman, me dit-il, avoit un frere qu'il cha.s.sa du pays, et qui alla se refugier et chercher asile pres du soudan. Le soudan n'osoit lui declarer la guerre; mais il le fit prevenir que s'il ne lui livroit Ramedang, il enverroit son frere avec des troupes la lui faire. Le karman n'hesita point, et plutot que d'avoir son frere a combattre, il fit envers son beau-frere une grande trahison. Antoine me dit aussi qu'il etoit lache et sans courage, quoique son peuple soit le plus vaillant de la Turquie. Son vrai nom est Imbreymbas; mais on l'appelle karman, a cause qu'il est seigneur de ce pays.

Quoiqu'il soit allie au grand-Turc, puisqu'il a epouse sa soeur, il le hait fort, parce que celui-ci lui a pris une partie du Karman. Cependant il n'ose l'attaquer, vu que l'autre est trop fort; mais je suis persuade que s'il le voyoit entrepris avec succes de notre cote, lui, du sien, ne le laisseroit pas en paix.

En traversant ses etats j'ai cotoye une autre contree qu'on nomme Gaserie.

Celle-ci confine, d'une part au Karman, et de l'autre a la Turcomanie, par les hautes montagnes qui sont vers Tha.r.s.e et vers la Perse. Son seigneur est un vaillant guerrier appele Gadiroly, lequel a sous ces ordres trente mille hommes d'armes Turcomans, et environ cent mille femmes, aussi braves et aussi bonnes pour le combat que les hommes.

Il y a la quatre seigneurs qui se font continuellement la guerre; c'est Gadiroly, Quharaynich, Quaraychust et le fils de Tamerlan, qui, m'a-t-on dit, gouverne la Perse.

Antoine m'apprit qu'en debouchant des montagnes d'Armenie par de-la Eregli, j'avois pa.s.se a demi-journee d'une ville celebre ou repose le corps de saint Basile; il m'en parla meme de maniere a me donner envie de la voir.

Mais on me representa si bien ce que je perdois d'advantages en me separant de la caravane, et ce que j'allois courir de risques en m'exposant seul, que j'y renoncat.

Pour lui, il m'avoua que son dessein etoit de se rendre avec moi aupres de monseigneur le duc; qu'il ne se sentoit nulle envie d'etre Sarrasin, et que s'il avoit pris quelque engagement a ce sujet, c'etoit uniquement pour eviter la mort. On vouloit le circoncire; il s'y attendoit chaque jour, et le craignoit fort. C'est un fort bel homme, age de trente six ans.

Il me dit encore que les habitans font, dans leurs mosquees, des prieres publiques, comme nous, dans les paroisses, nous en faisons tous les dimanches pour les princes chretiens et pour autres objets dont nous demandons a Dieu l'accompliss.e.m.e.nt. Or une des choses qu'ils lui demandent, c'est de les preserver de la venue d'un homme tel que G.o.defroi de Bouillon.

Le chef de la caravane s'appretoit a repartir, et j'allai en consequence prendre conge des amba.s.sadeurs du roi de Cypre. Ils s'etoient flattes de m'emmener avec eux, et ils renouvelerent leurs instances en m'a.s.surant que jamais je n'acheverois mon voyage; mais je persistai. Ce fut a Couhongue que quitterent la caravane ceux qui la composoient. Hoyarbarach n'amenoit avec lui que ses gens, sa femme, deux de ses enfans qu'il avoit conduits a la Mecque, une ou deux femmes etrangeres, et moi.

Je dis adieu a mon mamelouck. Ce brave homme, qu'on appeloit Mahomet, m'avoit rendu des services sans nombre. Il etoit tres-charitable, et faisoit toujours l'aumone quand on la lui demandoit au nom de Dieu. C'etoit par un motif de charite qu'il m'obligeoit, et j'avoue que sans lui je n'eusse pu achever mon voyage qu'avec de tres-grandes peines, que souvent j'aurois ete expose au froid et a la faim, et fort embarra.s.se pour mon cheval.

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The Principal Navigations, Voyages, Traffiques and Discoveries of the English Nation Volume X Part 12 summary

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